« FIRST STEP INTO LIFE »

C’est dans la matinée du 16 juin 1986 qu’Andrew vit pour la première fois la lumière du jour. Déjà à cette époque là il se faisait attendre. Sa mère, Hélène de St-Faye, avait remarqué en plaisantant qu’il était sans erreur possible le digne fils de son père, de dernier ayant la fâcheuse tendance d’être quelque peu lunatique lorsqu’il ne s’agissait pas de ses rendez vous d’affaires. Oui, avant même la naissance de son fils, ce brillant avocat ne jurait que par son travail à tel point que son épouse l’accusait de la tromper avec son si cher cabinet. Malgré tout ils formaient un couple uni et en dépit de ce travers, Walter était un mari aimant.
Par contre, et cela Hélène le déplora longtemps, il n’avait pas la fibre paternelle très développée. Bien sûr il était accouru lorsque la naissance de son fils lui avait été annoncée par l’obstétricien de la clinique St Paul choisie par ses soins. Monsieur Middleton Sr était un brillant avocat d’affaires dont la réputation de requin n’était plus à faire. Souhaitant toujours obtenir le meilleur et ce quelque fut le domaine, c’était presque naturellement que son choix s’était porté sur la clinique privée la plus prestigieuse de la capitale.

Famille très aisée, les Middleton habitaient une somptueuse villa en plein cœur de Londres. Ils avaient tout pour être heureux, d’ailleurs nombreux étaient ceux qui les enviaient car de l’extérieur ils étaient l’incarnation de la famille parfaite. Mari fidèle, femme intelligente et belle, et un fils dont personne ne doutait qu’il irait loin dans la vie.
Mais le monde est souvent construit sur des apparences.
Oh bien sûr, tout n’est pas tout noir mais les réels moments en famille étaient plutôt rares. La raison ? Les voyages d’affaires de Me Middleton. Sans cesse par monts et par vaux, il n’était que relativement peu présent et tentait de rattraper cette absence en couvrant sa femme et son fils de somptueux cadeaux lors de ses retours. Retours hélas toujours trop brefs.

Pendant sa petite enfance, Andrew était un enfant particulièrement éveillé mais discret. Jamais il ne cherchait des noises aux autres et avait plutôt tendance à rester dans son coin, à lire ou à rêvasser.
Enfant chétif et peu attiré par les activités sportives, il a toujours eu depuis son plus jeune âge un goût prononcé pour la musique, particulièrement le piano, instrument dont il a longtemps appris à jouer pour le plus grand plaisir de sa mère.
La relation qu’il entretient avec elle est très particulière, fusionnelle, peut-être est-ce dû au fait qu’ils passent le plus clair de le temps ensemble, à la maison, lorsqu’Andrew n’est pas à l’école. Avec lui il n’hésite pas à parler à cœur ouvert sans aucune crainte d’être jugé ou accusé de faiblesse.

« IL GELE A PIERRE FENDRE… »

Lorsque sa mère décède, c’est son monde qui s’écroule. Andrew vient tout juste d’entrer au collège, ou presque. Il a 12 ans.
De constitution fragile, Mrs Middleton est emportée un soir de décembre 1998 par un cancer. Le 23 décembre, à 23h26 précisément. C’est depuis ce temps là que Noël est une fête funeste pour Andrew, contrairement à la majorité des gens.
Il n’arrive pas à faire son deuil, apparemment son père non plus, mais ça ne les a pas rapprochés pour autant comme on aurait pu le croire. Au contraire, Walter se plonge avec encore plus d’acharnement dans son travail laissant de ce fait la bride sur le cou à son fils. Ce dernier n’ayant plus vraiment de cadre, se laisse aller et ça se ressent dans ses résultats scolaires qui sont en chute libre pendant plus d’un semestre. Il devient plus taciturne qu’avant ou alors sujet à des sautes d’humeur.
L’année suivante, il change du tout au tout. Excentrique, déluré, il mène une vie de débauche. Autant qu’il est possible de le faire à l’âge de 13 ans. C’est cette année là que le père refait surface et décide de quitter l’Angleterre. Il veut conquérir les Etats Unis. Peut-être sa façon de tirer un trait sur le passé.

Sitôt dit, presque sitôt fait. A la fin de l’année scolaire, la famille Middleton s’envole vers les USA direction New-York. La vente de son cabinet a encore développé la fortune familiale. La nouvelle activité du père d’Andrew est risquée mais peut rapporter gros. Il est investisseur privé, mais dans l’immobilier. Achats, revente… hôtels particuliers, hôtels ou appartements, son sens des affaires et sa connaissance du droit l’ont bien aidé à se faire un nom.
Il devient mondain et fréquente de plus en plus les différentes soirées et se fait un nouveau carnet d’adresse. Il faut dire que beaucoup d’industriels et d’hommes d’affaires connaissaient le cabinet Middleton à Londres. On ne peut pas dire qu’il ait reconstruit sa vie à partir de rien. Toujours aussi exigent envers lui-même et envers son fils, il supporte assez mal que ce dernier ne prête pas d’avantage attention à ses études. Il l’a pourtant placé dans un des meilleurs collèges privés de la ville.
C’est là qu’il fait la connaissance d’Adrian Winsworth. Lui aussi est plutôt effacé et la cible des moqueries des autres. Andrew va s’intéresser presque naturellement à lui, prenant souvent sa défense contre les « gros durs » qui font régner leur loi. Petit à petit, une amitié naîtra entre les deux garçons qui se découvriront des histoires légèrement similaires et pas mal de points communs.
Les résultats d’Andrew sont plutôt bons, son père le laisse donc tranquille. Comme il l’a toujours fait d’ailleurs car il est de nouveau très pris par son travail. A croire qu’il n’y a que ça dans la vie.

« LA MAUVAISE VIE. »

A l’âge de 15 ans, il devient à son tour l’un des caïds du lycée. Charismatique, il est suivi sans avoir à haranguer les foules. Adrian lui aussi commence à se rebeller contre l’ordre établi chez lui. Ces deux là deviennent rapidement les leaders auprès de leurs camarades. Comme les rôles se sont inversés !
Depuis l’année de la mort de sa mère, il s’est formé une carapace, une protection contre le monde extérieur qu’il avait jugé trop dur et cruel et où la sensibilité n’avait pas sa place. Il ne dit jamais ce qu’il pense réellement et cultive les apparences. Tout chez lui devient faux semblants, sauf avec Adrian, et la petite sœur de ce dernier qu’il affectionne particulièrement comme si un lien du sang les unissait.
Cette même année, son père se remarie brusquement. Elle s’appelle Cecilia Longwood, issue de la haute société de Boston. Riche à en mourir, elle est d’une prétention assommante et d’un machiavélisme terrifiant. Le courant ne passe pas entre elle et Andrew. C’est chimique.
Le pire dans tout ça, est qu’elle réussit à détruire le peu de lien qui existe entre le père et le fils. Elle ne fait rien pour apprendre à connaître Andrew et ne le juge que sur ce qu’elle a pu entendre de ses frasques. Jamais elle n’a essayé de comprendre et elle n’a de cesse de répéter à son nouvel époux que son fils nuit à sa réputation. Réputation qu’il a construite avec peine dans un nouveau pays.

Il faut dire qu’Andrew n’est pas réellement ce qu’on peut qualifier d’enfant de chœur. Enchaînant soirée sur soirée, il ne manque pas de goûter à l’alcool, au sexe et parfois à d’autres substances pas très licites.
Avec Adrian, il ne se passe pas une fête sans que nos deux compères soient invités, les stars du lycée.
Chez les Winsworth ce n’est pas la paix idyllique non plus. L’entente familiale est fortement entachée et c’est la raison pour laquelle l’un comme l’autre se réfugient dans le monde de la nuit.

Les premiers mois de son nouveau mariage, Walter n’écoute que d’une oreille distraite les remontrances que Cecilia fait à son fils. Petit réconfort pour Andrew. Mais cela ne rachète pas sa présence qui n’a jamais été régulière. Enfin, il s’est fait une raison.
Et à mesure que passent les mois, les critiques répétées de la « vieille harpie » comme la surnomme Andrew, gagnent en influence. Le père raisonne une première fois son fils, qui acquiesce d’un air absent, encaissant les reproches sans broncher. Trop dépensier, pas assez assidu, irrespectueux envers sa belle mère, pas compréhensif …
Aucune réaction.
Puis les menaces. Toujours sous l’influence de la harpie. Mais il y a un moment où c’en est trop. Un après midi, lors d’une énième conversation moralisatrice, ça tourne au vinaigre.

«Si tu ne fais pas d’efforts tu quittes le domicile familial » lui jette un jour son père.
« Ah parce que vous appelez ça une famille ?! Père ouvrez les yeux. La famille Middleton a cessé d’exister depuis bien longtemps. Si tant est qu’il y en ait eu une. »
« Je ne te permet pas de parler ainsi. »
« Il n’y a que la vérité qui blesse… »

Pour la première fois il dit franchement ce qu’il pense, mais ce n’est pas du tout du goût de son père qui met sa menace à exécution.
Le voila à 16 ans jeté dehors. Heureusement, il ne lui a pas coupé les vivres.
Andrew s’installe donc dans un appartement le plus loin possible de chez lui, mais tout de même dans le plus chic district de New-York. A peu près à la même époque, Adrian décide de rompre tout contact avec ses parents et c’est naturellement qu’Andrew, en bon ami, lui propose de l’héberger.
A la fin du lycée, Le destin a lié leurs routes. Adrian et Andrew sont tous deux admis à Yale.
Pendant l’année de bizutage, ils ne peuvent pas loger dans la maison d’une fraternité, ils prennent donc un appart’ à New Heaven et se débrouillent comme ils peuvent. Lorsque Joan, la sœur cadette d’Adrian débarque à son tour à Yale, eux sont déjà intégrés chez les Delta. En grand frère surprotecteur, Adrian paie le loyer de l’appart’ pour sa sœur en attendant qu’elle intègre à son tour une sororité.

UC