L’ENFANCE EST LA MEILLEURE PARTIE D’UNE VIE…

Je suis née par une matinée pluvieuse d’automne dans l’un des nombreux hôpitaux de la grande ville qu’est New York. Ma mère, épuisée, me prit malgré tout délicatement et tendrement dans ses bras lorsque la sage femme me présenta à elle. « Mon petit miracle », tels furent les premiers mots qu’on m’adressa. Ma grand mère – seule personne qui soutenait ma mère dans cette épreuve – leva les yeux au ciel à ces paroles, n’étant pas du même avis. Pour cette vieille bique, j’étais un obstacle à l’avenir prometteur de sa fille. Eh oui, car à ce moment là, Laura Stewart, ma mère donc, n’était âgée que de vingt ans et n’avait pas terminé ses études en médecine. Je n’aurais jamais du voir le jour, mes grands parents avaient lutté pour que ma mère se fasse avorter, et au départ elle était décidée à le faire, mais une heure avant l’intervention fatidique, Laura changea d’avis. Elle voulait de l’enfant. Quelque mois plus tard donc je vins au monde, ma mère m’éleva seule, certes, ses parents l’aidèrent financièrement – ils en avaient les moyens après tout, faisant partie de la haute société New Yorkaise – mais ça ne remplaçait pas un conjoint.

Eh oui, j’ai grandi sans père. Durant les premières années de ma vie, cela ne me dérangea nullement, pour moi une famille mono parentale était on ne peut plus normale, mais une fois entrée à l’école, je compris que quelque chose n’allait pas. Dès que je fus en age de parler, et surtout de faire des phrases digne de ce nom, je pris mon courage à deux mains et posait la question qui me trottait sans cesse dans la tête. « Maman… pourquoi j’ai pas de papa ? » lui avais-je demandé d’une voix timide, un soir alors qu’elle me lisait une histoire. Au départ, Laura était restée muette, en proie à une lutte intérieure. Devait-elle me répondre ? Si oui, jusqu’où pouvait-elle aller dans ses explications ? Elle avait fini par éclater de rire – de ce rire cristallin qui m’a toujours fasciné – avant de me répondre que comme tout le monde j’avais un père, seulement il n’avait pas voulu de nous dans sa vie. Cela aurait pu me traumatiser, seulement elle avait eu les mots pour que j’avale la nouvelle sans broncher. Laura n’alla pas plus loin dans les détails, me laissant dans l’ignorance quant à l’identité de mon géniteur, cependant j’estimais que c’en était assez pour le moment, je ne me sentais pas prête à affronter toute la vérité.

Les jours, les mois, et les années passèrent sans encombre. Ma mère avait trouvé sa place dans la société, tout en m’élevant elle avait terminé ses études – elle avait du pour cela me laisser entre les mains de nourrices, ce qui lui avait brisé le cœur, mais j’en avais compris assez rapidement la nécessité et donc ne lui en avais jamais voulu. Rien à voir avec l’avenir prévu par ses parents, eux qui auraient souhaité la voir devenir un grand médecin, respecté par ses pairs, et surtout mariée à un homme riche… Nonobstant elle réussit à devenir médecin des urgences dans l’hôpital qui m’avait vu naître. Elle ne gagnait pas aussi bien que si elle avait exercé dans un grand cabinet, mais notre vie était aisée. Son travail l’accaparait, et les gardes de nuit étaient difficile à supporter, mais j’acceptais. De mon côté, je faisais au mieux pour qu’elle n’ait pas de remords à me laisser ainsi pour son boulot, j’étais sage, je travaillais bien à l’école, je gardais autant que possible ma chambre en ordre… Un vrai petit ange.

ET VINT L’ADOLESCENCE

L’adolescence fut une toute autre histoire, l’ange se montra quelque peu diabolique. Que voulez-vous, c’est une période difficile, où on cherche son identité. Pour certains cela se limite au look, aux amis etc, mais pour moi ce fut plus compliqué. Lorsque mes amis se plaignaient de leurs parents, soit disant trop chiants, trop collants, trop hors du coup, je riais jaune. Ne se rendaient-ils pas compte de leur chance d’avoir deux parents, de tout savoir sur leur origine ? Ce n’était pas mon cas, j’ignorais tout de mon paternel… Si ça se trouve, je l’avais déjà croisé, sans le savoir. Il pouvait aussi bien être un grand avocat, père de famille exemplaire, ou encore l’un des SDF qu’on pouvait voir dans les rues de la grande pomme. Ce mystère me pesait, plus les années passaient et plus cela m’était insupportable. Alors mon comportement changea. Je devenais souvent désagréable avec ma mère, je me rebellais contre son autorité, rendait le peu de temps qu’on passait ensemble infernal. Le pire était que de la voir malheureuse suite à cela me donnait le sourire. J’étais mauvaise, mais j’estimais en avoir le droit. L’absence régulière de ma mère y était aussi pour quelque chose, enfant je l’avais supporter, mais en pleine crise d’adolescence, c’était la goute d’eau qui faisait déborder le vase. Je du apprendre à me débrouiller par moi même, me faire à manger, m’occuper de la lessive, de la vaisselle, des courses… Ma mère m’imposa également de me trouver un travail en parallèle à mes cours, pour me « responsabiliser ». Ah ça, pour être responsabilisée, je le fus, j’aurais pu vivre toute seule que ça aurait été la même chose, j’avais ma petite vie, après les cours, je filais au Starbuck café du coin pour y prendre mon service, et en fin de journée je rentrais à notre appartement, m’occupais des tâches ménagères, préparais le repas, puis faisais mes devoirs, et rebelotte le lendemain. Je ne sortais que très rarement avec mes amis et ce le week end, n’en ayant pas vraiment le temps ni l’énergie en semaines, j’avais la sensation d’avoir grandi trop vite, de ne pas avoir d’adolescence digne de ce nom, ce qui accroissais ma colère.

Un soir, sur un coup de tête, tandis que ma mère était de garde à l’hôpital, j’avais décidé d’aller fouiller dans ses affaires. J’avais d’abord commencé par son bureau, mais n’y avais rien trouvé d’intéressant, que de la paperasse, des factures… Puis j’étais entrée dans son antre, sa chambre. Après avoir fouillé ses tiroirs, j’avais terminé par son placard. Une boite métallique, assez grande, cachée dans le fond, derrière des boites à chaussures avait attiré mon attention. Je m’étais installée sur son lit et et l’avais ouverte. Des petites bricoles, souvenirs en tout genre, bracelets fantaisies, coquillages… Des cartes postales de ses amis… Un album photo de sa jeunesse ! On pouvait l’y voir en compagnie de sa famille, de ses amis… Avec tout ça, je ne pu qu’en déduire que ma mère avait eu une jeunesse mouvementée ! Elle avait beaucoup voyagé, mais ce qui m’étonna le plus fut sa période groupie ! Elle qui se moquait de ma passion pour certains groupes… Laura Stewart, avec sa meilleure amie, avait suivi un groupe de hard rock du coin dans les quatre coins des Etats-Unis, et je constatais qu’elles avaient réussi, à la fin de cette tournée, à se rapprocher du dit groupe. Sur de nombreuses photos je pouvais même voir ma mère dans les bras du chanteur, ils étaient très… intimes. Amusée, je m’étais saisi d’une des photos et avais remarqué une annotation écrite à l’arrière. Une date… Etant douée en maths, je fis rapidement le calcul dans ma tête. Neuf mois plus tard j’ouvrais mes yeux sur le monde !

J’étais estomaquée ! Je mis d’ailleurs à moment à me ressaisir… Non, ce n’était pas possible ! Il ne pouvait pas être mon père ! Je ne dormis pas de la nuit, par chance je n’avais pas cours le lendemain, c’était le week end. Ma mère fut étonnée et inquiète de me voir assise dans le salon lorsqu’elle rentra de son travail. C’était à peine si je ne lui sautais pas dessus, je me levais du canapé et m’approchais d’elle, les bras croisés sur ma poitrine. Je voulais des éclaircissements, mais je voulais surtout qu’elle me dise que je me trompais. Mais ce ne fut pas le cas, j’avais bien compris l’histoire. Ma mère était tombée amoureuse du chanteur, Logan Summers. Ce dernier n’était pas resté insensible au charme de Laura. Une amourette d’été, les deux tourtereaux ne s’étaient plus quitté les derniers soirs de la tournée. Puis, ils étaient tous deux retournés à leur vie respective, se perdant de vue. Lorsque ma mère s’était rendu compte qu’elle était enceinte, elle contacta mon père, non sans difficulté. Mais voilà, cet idiot faisait passer sa carrière en priorité – grossière erreur étant donné que quelques années plus tard son groupe splittait, et ils tombèrent rapidement dans l’oubli – et ne voulait donc pas entendre parler d’un enfant, ni même d’un avenir avec la belle Laura.

Ces révélations eurent raison de ma rébellion. Je ne pouvais haïr ma mère plus longtemps, après tout, contrairement à mon père, elle avait assumé ce passé mouvementé, et avait eu le courage de me laisser naitre, de m’élever, de faire tout son possible pour que j’ai une belle vie. Notre complicité mère fille revînt et s’en vit que plus grande, plus importante.

LA VIE ESTUDIANTINE

Malgré mon job de serveuse à côté des cours, j’étais parvenue à garder un bon niveau scolaire, j’étais dans les meilleures élèves de ma promotion, pour la plus grande fierté de Laura. Alors, quand vînt le temps de choisir une université, un grand choix s’offrit à moi. Je ne savais pas ce que je comptais faire de ma vie, quelle serait ma voie – et je ne le sais toujours pas maintenant – alors j’eus du mal à me décider. L’université d’état était intéressante, de par sa proximité, et de par son coût moindre à celui des grandes universités, cependant ma mère réussit à me convaincre d’aller à Yale, selon elle je le méritais après tous mes efforts, et puis l’argent ne serait pas un problème. On alla la visiter ensemble, et ce que je vis me subjugua. Même mes rêves les plus fous n’étaient pas aussi grandiose, ce campus immense, cette foule d’étudiants…

Même si la séparation d’avec ma mère fut déchirante, je m’étais rapidement adaptée à mon nouvel environnement. Notamment grâce à mon entrée chez les Alpha Phi Bêta, ma nouvelle famille, et surtout grâce à mes bests – celles qui m’ont toujours soutenue dans les moments difficiles, celles qui m’ont supporté durant ma rébellion – qui sont elles aussi venu à Yale et dans la même sororité. Certes, au départ cela fut étrange, moi, la fille unique habituée à vivre toute seule dans un appartement, je me retrouvais en collocation avec une flopée d’autres jeunes femmes, mes sœurs, mais plus le temps passait, plus je m’y habituais et trouvais cela normal. Autre chose qui différait de ma petite vie de lycéenne : les fêtes. Eh oui, je n’avais plus besoin de travailler en dehors des cours, ma mère estimant préférable que je me concentre sur mes études, mais surtout que je savoure la vie estudiantine – les plus belles années d’après Laura – donc je pouvais enfin m’amuser. J’avais enfin la sensation d’avoir une vie normale, je n’étais plus la fille conçue par une pseudo rockstar ringarde et une fan hystérique, non, j’étais tout simplement moi, Ashley Stewart, une étudiante, une Alpha Phi Bêta, je profitais de la vie, de ma jeunesse, et j’aimais ça. Rassurez-vous, je n’avais pas délaissé les cours, je me donnais à fond mais je prenais le temps de décompresser. Je vivais quoi. Et puis il y avait eu ce coup de téléphone…

UN SIMPLE COUP DE FIL PEUT TOUT CHANGER

Un soir, alors que je révisais, mon portable sonna. Je l’avais saisi pour voir qui osait me déranger en cette heure studieuse. Numéro inconnu. Partagée entre l’envie de répondre et celle d’ignorer ce coup de téléphone pour me replonger dans mes cours, je décrochais malgré tout, on ne savait jamais après tout.

- J’espère pour vous que c’est important, je suis en...
- Oh, Ashley… C’est… C’est moi, c’est grand-mère.

Pardon ?! Cette femme ne m’avait jamais adressé la parole. C’était quoi ce délire ? Et puis pourquoi ce ton mélodramatique ? Oui, je l’avoue, je ne l’aimais pas. Elle ne m’avait jamais appréciée et cela avait été réciproque, ce n’était qu’une vieille bique coincée. Je fus interrompu dans mes pensées haineuses par le son de ses sanglots. Oulah, ce n’était pas bon signe.

- Que t’arrive-t-il ? lui avais-je demandé un peu sèchement, restant sur la défensive.
- Laura… Il… Il y a eu un incident à l’hôpital. Ta mère est dans le coma Ashley, il faudrait que tu viennes…

J’eus l’impression que mon cœur s’était arrêté. Que le monde autour de moi s’était figé. Non, ce n’était pas possible, pas elle ! En état de choc j’avais raccroché au nez de ma grand mère. Il m’avait fallu plusieurs dizaines de minutes pour assimiler ce qu’on venait de m’apprendre. Paniquée, tremblante, j’avais mis quelques vêtements dans un sac de voyage, ne prenant que le stricte minimum et je sortis en trombe de la chambre. Abby m’intercepta avant que je n’atteigne la porte d’entrée et voulu comprendre ce qui se passait, mais je ne pouvais pas, les mots refusaient de sortir. Je n’avais pu articuler que quelques mots.

- … rentrer chez moi… urgent.

Puis j’avais quitté la demeure sans autre explication sous le regard médusé de mes sœurs. A peine arrivée à New-York je fonçais à l’hosto. C’était le chaos, le personnel et les patients semblaient tous sous le choc. Je retrouvais ma grand-mère au chevet de Laura et elle me raconta toute l’affaire. Un drogué était arrivé à l’hôpital avec un flingue, décidé à régler son compte au médecin qui avait accidentellement tué sa petite amie. Ce médecin n’était autre que ma mère. Il lui avait tiré dessus, ainsi que sur d’autres personnes présentes à ce moment-là. Ma mère ne sortie jamais du coma, au lieu de cela elle nous quitta par une matinée pluvieuse…

Lorsque je suis rentrée à Yale, j’ai complètement perdu les pédales. Je me suis engueulée comme jamais avec Abby, mettant un terme à ma vie dans la sororité ainsi qu’à notre amitié. J’étais devenue déchainée, incontrôlable, moi même je ne me reconnaissais plus. J’enchainais les soirées, et buvais pour oublier. Je ne voulais plus m’attacher aux gens, aussi j’accumulais les coups d’un soir. Mon corps en fit les frais également. Des tatouages firent leur apparition. Entre autre, sur mon avant bras droit le visage de Marilyn Monroe, actrice adulée ayant fini par se suicider – ou non, conspiration ? Non pas que je regrette complètement les changements, je ne suis pas du genre à regretter quoi que ce soit, nos erreurs font partie de nous.

AUJOURD’HUI JE SUIS UNE ADULTE

Une fois mon diplôme en poche, je suis repartie pour New-York, ville qui m’avait vu naître mais qui surtout m’avait vu souffrir comme jamais. Ma mère avait fait de moi sa seule héritière – non pas que ça m’ait surprise – me facilitant la vie d’une certaine manière. Je revendis notre appartement pour en prendre un nouveau qui ne me rappellerait pas sans cesse ce que j’avais perdu.

Je suis à présent animatrice radio, grâce à mon tempérament et à ma passion pour la musique. J’ai été repéré alors que j’assistais à un festival. Un crétin inculte avait voulu que je dise quelques mots dans son micro… Apparemment le fait que je le remette à sa place avec mon absence de tact avait plu et me voilà sur les ondes. Je ne risque pas de devenir une figure dans le monde radiophonique pour autant, mon domaine étant le métal/hard rock, mais j’aime ce que je fais, peu m’importe la gloire. En ce qui concerne ma vie sociale, je n’ai pas à me plaindre. Je me suis calmée depuis que j’ai quitté l’université, je suis moins sauvage, cependant je reste un cœur solitaire. Etrange n'est-il pas, qu'une fille avec mon physique soit célibataire ? Que voulez-vous... Certes, avec mon corps aux courbes qui font enrager bon nombres de nanas, mes yeux d'un bleu si profonds, mes pommettes saillantes, mes lèvres pulpeuse et mon teint mat je fais tourner la tête des garçons, mais je cherche quelqu'un de spécial, quelqu'un qui fera tourner ma tête et battre mon coeur comme jamais.