Je suis devant mon miroir en tête à tête avec moi-même, baladant mes iris bleu/gris sur mon propre reflet, qu'est-ce que j'y vois? Un gars assez grand, avec une bonne carrure habillé plutôt classe pour l'occasion. Je passe ma main sur mes cheveux, je ne peux pas dire « dans mes cheveux » parce qu'ils sont coupés si courts que ce n'est pas possible. J'esquisse un sourire et ajuste une dernière fois ma cravate. Il faut que j'y aille on m'attend, mais j'hésite et je pars dans mes pensées...

« 20 Août 1988, j'avais 8 ans. Mes parents et moi étions en vacances, ce jour là pour la première fois mon père m'a emmené voir une course de stock car. C'est là que tout à commencé et que ma passion est née.

Mais pour que se soit plus clair, il faut que je m'explique sur le gamin que j'étais à cette époque. J'habitais avec mes parents et ma soeur aînée dans le Queens nous n'étions pas particulièrement aisés, de quoi vivre raisonnablement mais sans faire de folies. Jusqu'à l'âge de 9 ans j'avais des difficultés d'expressions, je ne parlais pas très bien pour un gamin de mon âge et du coup je parlais peu. A l'école pourtant j'avais des résultats normaux, le plus difficile était sans doutes les relations avec mes camarades... J'étais la cible de moqueries, je les ignorait et restait seul dans mon coin, j'avais l'étiquette du « gars bizarre ».
Mes parents s'inquiétaient pour moi, parce qu'avec eux non plus je ne parlais pas beaucoup. J'avais peu de centre d'intérêt si ce n'est les bandes dessinés et quelques livres. Mais cette date du 20 Août 1988 a marqué un vrai changement dans ma vie, j'ai commencé à partir de ce jour à vouer une grande passion pour les voitures et la course automobile. Je lisais des magazines spécialisés que j'achetais avec mon argent de poche, ma chambre se remplissait peu à peu de maquettes et de miniatures de mes véhicules favoris et je suivais les résultats des courses avec la plus grande attention. J'avais un rêve: devenir pilote.

J'ai commencé à supplier mes parents de m'inscrire dans un club de karting, chose à laquelle ils se sont d'abord opposés. De un, parce que s'était loin d'être donné et de deux parce que ma mère avait vraiment la trouille pour moi, qu'il m'arrive quelque chose. Finalement, ils ont fini par céder devant mes supplications incessantes et tant d'enthousiasme de ma part, c'est le jour de mes 9 ans qu'ils m'ont inscrit. La première fois que j'ai piloté figure au top 5 des meilleurs souvenirs de ma vie.
Dans les mois qui suivirent, mes problèmes d'expressions s'atténuèrent et j'étais beaucoup plus ouvert.
Tout c'est enchainé ensuite à mesure que le temps passait, premières courses, premières victoires et puis enfin quand j'eus 16 ans mon passage du karting à des vraies voitures de courses. Tout mon temps libre je le passais au club à aider les mécanos, à observer les pilotes, à m'entraîner... Ma vie toute entière tournait autour de ça, même si j'avais des amis et que je ne manquais pas non plus d'aller à quelque unes de ces fêtes où l'alcool coule à flot et où tout les adolescents font leur armes sur le champ de bataille des relations avec le sexe opposé.
Les cours? Je n'étais pas mauvais, j'aurais sans doute pu être meilleur en travaillant plus mais ça me suffisait. A un moment j'ai voulu arrêter l'école et mes parents s'y sont fermement opposé me menaçant même de ne plus me laisser piloter si jamais ils voyaient trop de relâchement de ma part en classe. Crise d'ado oblige je leur ai un peu fait la vie dure à cette période, je n'étais pas souvent à la maison et ils se faisaient du soucis pour moi. J'ai fait des conneries, jamais de choses graves mais ils sont venus me chercher au commissariat une ou deux fois...
Très vite j'ai été remis sur les rails, par mon entraîneur qui m'a dit que si je continuais comme ça il me virait et je pouvais toujours attendre pour commencer les courses régionales. Il ne m'en fallait pas plus pour que je me tienne à carreaux, j'étais si proche de mon rêve et je ne voulais pas tout foutre en l'air. J'ai eu mon diplôme à la fin du lycée, comme mes parents le voulaient mais je ne suis pas allé à l'université, pourtant ils l'auraient voulu mais je m'entraînais de plus en plus dur pour pouvoir devenir le meilleur et être le pilote principal d'une des écuries qui courent la Sprint cup.
Ce moment que j'attendais tant est arrivé, j'ai fais ma première course officielle de la NASCAR. Sur des circuits régionaux, puis j'ai progressé et j'ai accédé au niveau national. »

- Pourquoi tu me racontes tout ça?
- Pour que tu comprennes ce que cette course représente pour moi... Quand tu me demandes de ne pas prendre le départ, est-ce que tu te rend compte du sacrifice que c'est pour moi? Tu ne m'en crois pas capable?
- Ton épaule est à peine remise, tu ne sais même pas si ça va tenir et tu sais très bien qu'au moindre faux pas ça peut-être dramatique! Désolée d'avoir peur pour toi!

Je soupirais et faisait le tour de la chambre comme si j'étais un lion en cage. Bien sûr qu'elle avait raison, pourtant je n'allais pas l'admettre, mon accident survenu 4 mois plus tôt m'avais value une fracture de la clavicule et j'étais encore en rééducation... Mais cette course était très importante et me permettrait de décrocher un gros contrat avec l'une des plus grosse écurie. Je savais bien qu'elle avait vraiment eu peur pour moi quand j'avais eu cet accident et qu'elle souffre n'était pas mon but... Peut-être allais-je regretter ce que j'allais dire mais me détester l'aiderait surement à tourner la page plus facilement.

- Ne me demande pas de choisir...
- Si tu prend le départ c'est que tu ne m'aimes pas suffisamment pour faire des compromis pour moi, surtout que tu sais très bien que j'ai raison! Ca te paraît si invraisemblable que ça que je m'inquiètes pour toi? Si tu prends le départ de cette course, tu peux faire une croix sur nous.
- Ok... Alors casse toi.

Je suis sorti sans un mot de plus. J'ai fait ma course, mon épaule m'a fait pas mal souffrir mais j'ai décroché une 5ème place qui m'a permis d'avoir un contrat.

Ce n'est pas la première fois que je me remémore cet instant et j'ai toujours un drôle de sentiment. S'était il y a un an presque jour pour jour, de l'eau a coulé sous les ponts depuis et à la fin de la saison de la Sprint Cup, je partirais peut-être faire une saison en Europe. Je n'ai pas d'attaches particulières hormis mes parents et ma soeur, avoir de mes nouvelles par téléphone leur suffit.
Je ne sais pas où ça va me mener et parfois je me demande si mon ambition n'est pas démesurée, mais je suis le meilleur non? En tout cas, je veux le devenir et ferais tout pour.
Mais là pour le moment j'ai des mains à serrer, des verres à vider et des sourires à distribuer.