« Sincèrement, je t’ai connue plus bavarde.
- …
- Allez ne soit pas mauvaise joueuse.
- …
- Tiens, b-a l-l-o-n ! Six lettres, mot compte double.
- …
- Tu pourrais au moins faire semblant d’être contente pour moi Stella. »

Cela faisait environ une demie heure que Lucas jouait au scrabble, avec une plante verte. Non pas qu'il était fou, c'est juste qu'il s'ennuyait terriblement. L'italien fixait ladite Stella, en sirotant je ne sais quelle boisson, attendant une réponse qui évidemment ne viendrait pas. Il finit par se lever et rejoindre la cuisine de son petit appartement. Depuis son arrivée à New Haven, Lucas avait trouvé un boulot de mannequin et n'avait pas eu le temps de faire beaucoup de rencontre. À vrai dire, il avait surtout quitté sa Rome natale pour retrouver une personne et c'était la seule à qui il accordait de l'intérêt, autre que le sexe, bien que des fois il aurait aimé ne pas avoir fait cette stupide promesse à l'époque, ça n'avait pas servi à grand chose, même s'ils étaient enfin sortis ensemble. « C'est vrai quoi, se dit-il, je suis amoureux d'elle mais cessé de courir après les femmes - ou de les faire courir après moi - juste pour lui prouver que je ne me joue pas d'elle, Abby sait pourtant lorsque je ne mens pas, l'une des rares d'ailleurs. » Il se fit un sandwich alla s'installer devant la télé, en jetant au passage un coup d'œil à la prénommée Stella, qui n'avait évidemment pas bougé d'un pouce. Affalé de tout son mètre quatre vingt cinq sur le divan, torse nu, il zappait sans vraiment regarder. Il serait peut-être bon pour lui de sortir un peu de ce loft et de découvrir un peu New Haven même s'il savait pertinemment qu'il avait envie d'une guide très particulière. Avec paresse il amena son poignet devant ses yeux bleus, histoire de savoir l'heure. Il soupira, il ne voulait pas sortir, il n'avait rien fait de la journée si ce n'était s'évertuer à ne pas penser à Abby. Il ne supportait pas qu'elle puisse aimer un autre que lui, l'embrasser et lui murmurer les mots que lui voudrait tant entendre. Lucas n'était pas d'un naturel violent, quoiqu'impulsif, mais le type qui sortait avec celle qu'il aimait depuis déjà longtemps il lui aurait bien mit son poing sur la gueule.

Après une émission des plus ennuyantes qu'il n'avait regardé que d'un œil, Lucas trouva le courage de se lever. Il passa sa main derrière sa nuque, et regarda les pièces vides de tout son, de toute présence. Cet endroit le changeait de la maison famille où toutes les générations se côtoyaient, du grand père au petit dernier. Famille qui lui avait permit de faire connaître Abby qui plus est. Il secoua la tête et entreprit de sortir, enfin. Une bonne douche, puis il attrapa les rudiments essentiels de sa tenue quotidienne - pareils à beaucoup d'autres - c'est à dire un jean et un tee-shirt. Il enfila par dessus une chemise en flanelle, à carreaux et mit une paire de basket. En sortant il attrapa une casquette qu'il vissa sur sa tête. Les passants étaient vêtus de simple tee-shirt malgré le crépuscule naissant et Lucas marchait sans vraiment faire attention où le menait ses pas. Il finit par atterrir dans un parc, à une dizaine de minutes de son point de départ et s'installa sur l'un des bancs, écouteurs sur les oreilles. Alors que les premières notes d'une chanson se faisant entendre, Lucas leva les yeux et s'aperçut qu'il était observé. Deux jeunes femmes semblaient avoir fait du jeune italien leur sujet de conversation. Il soupira et augmenta le son de son lecteur. Cette musique, il l'avait écouté Abby pour le première fois, décidément, plus il tentait de l'oublier, plus il y pensait. Il se replongea dans ses souvenirs, jusqu'au jour où il lui avait avoué, à demi-mots, ce qu'elle représentait pour lui.

; flash back

- Très bien Lucas, tiens deux mois sans courir après une seule fille, et je suis à toi. Avait-elle dit dans un éclat de malice.

Il avait souris, deux mois, pour elle il aurait accepté plus longtemps. Il aurait accepté tellement de choses juste pour qu'elle l'aime. Était-ce donc ça ? Lorsqu'un tombeur se faisait prendre au jeu des sentiments.

- Deux mois ? Sans problème.

Il n'aurait fait cela pour personne d'autre, il n'aurait pas tenu. Pas que le sexe était une addiction mais, si en fait c'était ça et le plaisir de piéger les femmes, les unes après les autres, de se jouer d'elles et de se réveiller le matin aux côtés de magnifiques créatures de toutes nationalités. Sûr que les jolies touristes qui venaient explorer Rome, découvrait aussi le corps du bel italien. Mais Abby, c'était fondé sur autre chose, sur le temps et la complicité, sur des bases solides qu'il n'avait avec aucune autre femme. Il tiendrait, il avait tenu, et puis elle était partie. Le laissant en Italie, avec la seule certitude de la revoir une fois par an.

; flash back

« So 1,2,3, take my hand and come with me
because you look so fine
and i really wanna make you mine.

La sonnerie de son téléphone le ramena à la réalité, il saisit alors ce dernier et décrocha avec un grognement.

- Allò, souffla son accent européen.
- Lucas, ramène ton cul italien au studio, on a besoin de toi, maintenant...»

La personne à l'autre bout du fil avait déjà raccroché, le patron de Lucas était un vrai connard, prenant les mannequins pour de simple objet sans la moindre cervelle. Pendant un moment, Lucas le pensa, il était en Amérique, mais Abby n'était même pas au courant, il soupira, encore car même si ce type était désagréable avec la plupart des modèles de l'agence, Lucas s'était naturellement imposé de par son charisme et sa franchise, n'hésitant pas à l'envoyer balader dès leur premier accrochage, menaçant de démissionner au pire des cas. Ayant un certain succès grandissant, Lucas était quelque peu avantagé au sein de l'entreprise, bien qu'il ne prenait pas la grosse tête, loin de là. Contrairement à ce que l'on s'imaginait du jeune homme aux premiers abords, il n'était pas qu'un sale petit con présomptueux, non il était plutôt sociable, souriant mais très séducteur, parfois même malgré lui surtout depuis son arrivée aux USA, son accent en faisait tomber plus d'une. L'exotisme qu'ils appellent ça. Lucas alla jusqu'à l'hôtel où il créchait et récupéra sa moto pour se rendre audit studio, il aimait la sensation de vitesse, l'adrénaline procurée lui plaisait. Il était attiré par le danger, il y trouvait la sensation d'être vivant. Oh il s'en était pris des gamelles mais il se plaisait à dire que la douleur était une preuve de l'existence. Il se gara et se hâte de rejoindre le photographe qui l'attendait. L'italien alla se changer et exécuta ce qu'on lui demanda. La séance s'étira jusqu'à vingt heures, et il s'était au passage trouvé une compagne pour la soirée, comme quoi, il n'avait finalement pas perdu sa journée. Il ne penserait peut-être pas à Abby, le temps d'une nuit, quoique ses rêves le rattraperaient bien assez vite. C'était pourquoi, il emmena sa conquête du jour faire la tournée et des bars et s'endormit après avoir couché avec elle, les vapeurs d'alcools et de substances illicites le plongeant dans un sommeil si profond que même les cauchemars ne venait s'y aventurer, enfin il ne pensait plus à elle, mais pour combien de temps.